mardi 20 janvier 2009

Le Financement en Fonds Propres des PME

Réponse à la consultation du MINEFI sur le dispositif de financement en fonds propres des PME.

Remarques Préliminaires

L’économie française et européenne est constituée en majorité de PME (effectif inférieur à 250 personnes et CA inférieur à 500 ME et à 150ME) et de très petites entreprises (TPE dont l’effectif est inférieur à 20 personnes).
Les grands groupes multinationaux et les grandes entreprises françaises et européennes se concentrent et se restructurent pour faire face à la mondialisation.
Le manque de fonds propres des PME et TPE est chronique en France.
La taille moyenne des PME intermédiaires françaises est généralement inférieure à la taille moyenne des PME intermédiaires des autres principaux pays européens.

Constat :
-Si les PME ont plus de fonds propres, elles deviennent plus dynamiques, car elle ont les moyens de financer leur stratégie et leurs objectifs de croissance interne et externe.
-C’est la croissance d’une société qui entraîne son changement de taille.
-Il ne faudrait pas faire de contre-sens et croire que financer les sociétés les plus dynamiques résoudra le problème de fonds propres des PME en France et donnera une taille supérieure en moyenne à l’ensemble.
- Financer en fonds propres seulement les PME les plus dynamique provoquera une concentration des fonds sur certaines catégories de PME ou certains secteurs d’activité, comme c’est déjà le cas et laissera de coté le financement de la création d’entreprise ou certains secteurs traditionnels indispensables à l’économie française ou faisant partie des caractéristiques de la culture et de l’identité française, qui ont aussi besoin de financer leur croissance et leur développement.

Le capital-risque
Depuis toujours le capital-risque et le capital-développement ne s’intéressent qu’aux sociétés et secteurs les plus dynamiques, et cela n’a pas fait augmenter la taille moyenne des PME françaises.
Lorsque le MINEFI souhaite un effet d’entraînement sur l’ensemble des acteurs du financement de l’économie, pourquoi son dispositif ne concerne que le capital-risque. La composition du groupe de travail a été limité à ce types d’acteurs financiers, ce qui a conduit à privilégier leurs visions et leur domaine de compétences dans le nouveau dispositif proposé. Or :
  • Le système bancaire et le capital-risque français ne font pas correctement leur métier pour développer les fonds propres des PME. Ils ne prennent pas les risques qu’ils devraient prendre.
  • Ils se concentrent sur les mêmes dossiers, qui sont cofinancés à plusieurs ou qui font l’objet de LMBO en cascade.
  • Car ils ont une culture qui les poussent à limiter leurs risques plutôt qu’à prendre des risques.
  • Ils le font en prenant des garanties, en faisant appel à l’assurance ou à la garantie de l’Etat.
  • L’objet du capital-risque commence par financer une entreprise en création ou en développement lors d’un premier tour de table, puis de suivre les besoins de financement de la croissance par plusieurs autres apports en fonds propres avant de sortir par une cession ou une introduction en bourse.
  • Or la création d’entreprise est le parent pauvre dans le capital-risque français. Combien de millions d’euros ont-ils été consacrés à la création d’entreprise ?
  • Quel est le nombre moyen d’apports en fonds propres à une même entreprise réalisé par le capital-risque français dans les entreprises qu’il a financé ?
  • Le capital risque français raisonne en majorité comme un banquier, au niveau du compte d’exploitation de la société pour éviter d’investir dans une société qui pourrait faillir, au lieu de l’aider à financer les différents stade de son développement, ce qui lui procure de plus en plus de valeur et accroît sa taille.

La Bourse
Le financement en fonds propres des PME ne passe pas seulement par le capital-risque, mais aussi par la Bourse, ce qui a totalement été oublié dans le dispositif proposé.
  • La Bourse est un accélérateur de croissance pour les PME et donc de leur taille et leurs donne les moyens de leur développement futur.
  • La Bourse prend des risques, sans aucune garantie, que ne prendra jamais un banquier ou un capital-risqueur puisque ce n’est pas sont argent qu’il investit.
  • Le financement par la Bourse et l’orientation de l’épargne vers la Bourse est directe dans les sociétés ou passe par les OPCVM (comparable aux fonds de pensions anglo-saxons).
  • La Bourse permet une transparence et une diversification des risques que n’offre pas le capital-risque. Et elle est soumise à un contrôle de l’AMF qui donne une certaines sécurité aux investisseurs.
  • Le capital-risque et la Bourse sont en concurrence pour le financement des PME dynamiques, au niveau des introduction en bourse.
  • Le capital-risque doit faire sont travail en amont de la bourse et non se mettre en concurrence avec elle, ce qu’il ne fait pas.
  • Le capital-risque et le capital-développement est souvent à l’origine des OPR(offre public de retrait) en bourse et sont aussi parfois des intervenants comme investisseurs sur certains marchés boursiers au lieu d’investir strictement sur le non coté.
Rien de nouveau en France
Depuis plus de 20 ans l’Etat français essai de développer les fonds propres et d’adapter le système anglo-saxons de la SBIC américain en France, notons :
  • Création de la SOFARIS (Société française pour l’assurance du capital-risque) en 1982.
  • Création des FCPR, des FCPI, des FIP,
  • Création du Second Marché en 1987
  • Création du Nouveau Marché en 1996
  • Création d’Alternext en 2005.
Tout cela a été créé à l’initiative et en faveur du capital-risque français.
Mais le résultat n’est pas à la hauteur des espoirs et comparativement à l’Angleterre, très inférieur en montants investis et en nombre d’entreprises financées.

Comparaison des marchés small caps de Paris et Londres entre 1995 et 2005 :

Marchés Paris (année de création) Nbre de sociétés cotées
Second Marché (1987) 280
Nouveau Marché (1996) 178
Marché Mibre (1996) 251
Alternext (2005) 20
Total 729

Marchés Londres (année de création) Nbre de sociétés cotées
Techmark (1999) 151
AIM (1995) 1802
Total 1953

- Le Nouveau Marché a été sinistré par les banques et les sociétés de capital-risques elles-mêmes par l’utilisation qu’elles ont en fait. Car de nombreuses PME aurait du bénéficier d’apports en fonds propres supplémentaires par le capital-risque au lieu de se retrouver en Bourse ou avant d’y être introduit. Dans certains cas le capital-risque cherche une sortie avant tout pour sa rentabilité et pas forcément à l’avantage de la PME.
- Certains gérants d’OPCVM classiques se méfient des sociétés qui sont mises en Bourse par des capitaux risqueurs, car les sorties des capitaux risqueurs en Bourse ne font pas toujours les meilleurs entrées des gérants d’OPCVM et des épargnants particuliers.
- Depuis sa création, moins de 1000 PME ont été coté sur le Second Marché et moins de 300 PME sur le Marché Libre et le Nouveau Marché n’a pas dépassé 200 PME avant sa disparition, alors que l’AIM anglais accueille plus de 1802 sociétés.
- Sur les dernières années 2004-2005, plus de 800 PME ont été financé par la bourse anglaise avec l’AIM seul, contre seulement 37 PME par le seul Marché Libre et 85 PME par la bourse française avec l’ensemble de ses marchés small caps.

- En France le Nouveau Marché et l’Alternext ont été créés sous l’égide des capital-risqueurs, plus pour être un moyens de sortie de ces derniers que des marchés destinés à financer le développement des PME.

- La procédure de cotation directe sans APE sur l’Alternext illustre parfaitement ce principe, elle a été mise en place pour faciliter et favoriser les sorties des capital-risqueurs.

Pour se faire coter, Alternext offre deux modes d’accès : une cotation avec appel public à l’épargne et une cotation à la suite d’un placement privé.

Les sociétés souhaitant faire appel public à l’épargne, doivent :
  • disposer d’un flottant minimum de 2,5 millions d’euros,
  • et produire, lors de l’introduction, un prospectus d’appel public à l’épargne visé par le régulateur.
Les sociétés ayant fait l’objet d’un placement privé préalable peuvent demander une inscription à la cote d’Alternext et doivent :
  • justifier d’un montant de placement privé préalable à l’introduction d’au moins 5 millions d’euros répartis entre un nombre suffisant d’investisseurs (minimum 5),
  • fournir lors de l’introduction un document d’information offering circular (prospectus non visé par le régulateur), rédigé sous la responsabilité du listing sponsor et de la société.
  • Ces sociétés n’ont pas l’obligation de faire, concomitamment à l’introduction, un appel public à l’épargne.
Lors de cette cotation directe, s’il n’y a pas d’augmentation de capital, la société n’obtient pas de nouveaux fonds propres pour son développement.

Le rôle de l’Etat

- Tant que l’Etat français ne s’appuiera que sur les sociétés de capital-risque et n’interrogera que ce types de financiers et succombera à leur lobbying, il n’aura qu’un résultat limité, car les capitaux-risqueurs français ne peuvent conseiller que sur ce qu’ils connaissent et sur ce qui avantage leur métier.

- A l’exemple de la définition et de la mise en place du FIP ou des fonds DSK-NSK : Le FIP, visant à faire participer l’épargne locale de proximité pour financer en fonds propres les PME, a été dénaturé par rapport à l’idée et au principe d’origine.
Le FIREL d’origine : L'observation des faits a conduit à élaborer un projet de Fonds d'investissements Régional d'Epargne Locale pour les PME-PMI ou (FIREL en abrégé). L'idée d'un Fonds d'investissements Régional d'Epargne Locale pour les PME-PMI date de juillet 1992 exactement.
En son temps, cette idée et ce projet ont été soumis au gouvernement (dont Monsieur Balladur) et MINEFI et certains élus locaux aquitains de l'époque.
Mais c’est en 2002 que cette idée a été récupérée pour trouver une application à travers le FIP lancé par Monsieur Dutreil, Ministre des PME. Entre temps les conditions de marchés, la réglementation financière, l’environnement économique ont évolués, ce qui fait qu’il est toujours d’actualité mais aussi dépassé pour certains aspects.
- Sous le lobbying des sociétés de capital-risques, le FIREL qui était pensé à l’origine pour être un produit géré par des sociétés de gestion généralistes et conçu pour permettre d’obtenir des performances et une certaines liquidités aux épargnants investisseurs, a été transformé en FIP tel qu’il est aujourd’hui, difficile à gérer par les professionnels de la gestion d’actifs.
Au lieu de faciliter le développement du FIP, tout a été fait dans la définition du produit pour limiter son développement : obligation de financer la création d’entreprise, limitation de la diversification des investissements.

- En ce qui concerne les fonds DSK et contrats d’assurance vie investis en action, le fait d’inciter les assurances à investir un pourcentage de leurs actifs plus important dans les PME cotées et non cotées est un bon principe. La définition des nouveaux produits NSK va permettre une diversification de la gestion. Encore faut-il que les décrets d’applications ne soient pas limitatifs pour le gestionnaire par les contraintes imposées.
- Par contre, les sociétés de capital risques et les fonds spécialisés dans les capitaux à risques vont bénéficier directement et indirectement de cet apport de fonds supplémentaires des assurances, sans nouvelle obligation contrairement aux assurances.

- Or la création d’entreprises a un déficit d’investissement et de fonds propres. C’est le rôle des capitaux-risqueurs d’investir dans la création d’entreprises, ce n’est fait que par une faible minorité d’entre eux. Actuellement il n’y a que le FIP qui a un quota obligatoire d’investissement dans la création d’entreprise ; aucune obligation n’existe pour les FCPR, FCPI, SCR. Ceci désavantage le FIP par rapport aux autres formules, FIP qui par ailleurs doit aussi supporter d’autres contraintes, dont un champs d’investissements plus restreint.
- Il serait bon, pour le financement de la création d’entreprises, de mettre tous les types de fonds à capitaux à risques à contribution, en leur imposant un quota obligatoire investi en PME de moins de 5 ans d’existence.


Les produits supports d’investissements et le nouveau dispositif

- Il faut que l’effet de levier du nouveau dispositif profite à tout le monde, pas seulement au capital-risque.
- L’équilibre risque-rentabilité passe par la définition des produits supports d’investissements.
- Or en France pour le capital-risque il y a de nombreux véhicules d’investissements pour les entreprises non cotées définis par les textes réglementaires de l’Etat et la loi : les FCPI, FCPR, SCR, FIP. Les gérants de ces produits n’ont plus qu’à sélectionner les sociétés qui bénéficieront de leur investissement.

- Dans le cas des OPCVM, ce sont les gérants qui définissent l’équilibre risque-rentabilité des produits, par la définition de la stratégie d’investissements et des objectifs de gestion et l’utilisation des méthodes de gestion qu’ils savent mettre en jeux, dans le but de générer de la performance pour les investisseurs.

- Or en France, il n’y a pas de produits mixtes, comme dans les pays anglo-saxons, qui permettent de gérer des valeurs cotées et non cotées, dont le gestionnaire est libre de fixer la définition et la composition du produit support.

- Le rôle de l’Etat n’est pas de définir des supports d’investissements ingérables ou difficilement gérables en terme de performance pour le gestionnaire et l’investisseur. A l’exemple de la création des FIP et des FCPI, dont les investisseurs ne renouvellent pas leur investissement, malgré les avantages fiscaux, du fait que les performances sont absentes. Et les gérants ont alors du mal à lever de nouveaux fonds.

- La logique est de laisser les gérants définir les produits et les faire homologuer pour obtenir un avantage fiscal et solliciter un apport de fonds du nouveau dispositif, pour leur permettre de gérer avec un objectif de performances et de pouvoir lever de nouveaux fonds privés.
- C’est au gestionnaire de demander et d’obtenir une enveloppe du fonds d’Etat pour la partie la plus risquée qu’il s’engage à financer dans sa stratégie d’investissement.
- Ce n’est pas à l’Etat de fixer les critères d’investissements comme la taille des entreprises cibles, les opérations majoritaires ou non, la taille des tours de tables, le choix des secteurs cibles (technologie, biotech…)
- Mais si le schéma de l’Etat veut rester dirigiste pour le capital-risque, il faut cependant que le nouveau dispositif réserve une enveloppe libre à destination des OPCVM. Pour que les OPCVM puissent se présenter avec une stratégie spécifique et/ou une part des investissements réalisés dans des sociétés non cotées ou assimilées sur des marchés non règlementés, ce qui peut aussi se gérer à travers un compartiment dédié dans un OPCVM à compartiments, et puissent aussi bénéficier de l’effet de levier du dispositif étatique.

- Les logiques d’investissements ainsi que les investisseurs, ne sont pas les mêmes pour les capitaux-risqueurs et les OPCVM. Mais il faut pourtant donner les mêmes possibilités à ces deux vecteurs du financement en fonds propres des PME.

- Il faut donner aux deux voies existantes, les possibilités de financer : les compétences et moyens humains des gestionnaires, la création de nouvelles équipes, des nouveaux listing sponsor, des équipes agissant à la fois dans le coté et le non coté.
Il faut compléter les 3 catégories d’opérateurs concernées par le nouveau dispositif ainsi :
  • les équipes de gestions capital-rique et de gestions d’OPCVM spécifiques,
  • les fonds de fonds institutionnels investis dans le capital-risque et dans les OPCVM spécifiques,
  • les institutionnels qui décident d’une allocation d’actif spécifique dans le capital-risque (les fonds LMBO devant être exclus) et dans les OPCVM spécifiques comportant un compartiment ou une part significative sur les segments ciblés.
- La représentation du secteur financier concerné ne doit pas se limiter seulement à la CDC, OSEO, l’AFIC.
- Les outils d’investissements ne doivent pas se limiter aux FCPR ou aux seuls outils d’investissements dans le capital-risque, il devrait prévoir les outils d’investissements OPCVM ouverts en fonction de leur stratégie d’investissements ou d’un compartiment spécifique.

- Ceux qui font les règlements et les lois définissent les règles d’investissements en fonds propres dans les PME que dans une seule optique, orienter l’épargne vers les objectifs économiques qu’ils se sont fixés. Ils ne se posent pas la question de savoir si c’est gérable ou pas pour le gestionnaire et intéressant ou pas pour l’investisseur. Surtout dans un dispositif public qui se veut à effet de levier pour orienter les investisseurs privés vers le type d’investissement souhaité par les pouvoirs publics.
- En gestion d’actifs d’épargne, il y a beaucoup de produits concurrents, l’épargnant a le choix. Et même avec un avantage fiscal, si la performance n’est pas là, il ne sera pas attiré par le produit, car il existe un produit toujours plus performant avec moins de risque. Voir l’énorme masse qui est collecté par l’assurance vie en France.

L’Etat devrait seulement définir les objectifs économiques cibles et accorder un avantage fiscal et un effet de levier de rentabilité et d’amorçage pour celui qui intègre cet objectif dans sa stratégie de gestion, tout en laissant le gestionnaire libre de définir le produit d’investissement support afin de lui permettre de générer de la performance et le couple risque-rentabilité et de pouvoir ainsi mieux lever des fonds auprès des investisseurs privés quelques qu’ils soient.

Rédigé le : 25 février 2006.
Auteur : Françoise Moreau



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